Que faire de nos conflits ?

ACCEPTER LE CONFLIT

La plupart des relations humaines peuvent être sources de conflit, y compris celles qui s’inscrivent dans un contexte bienveillant et policé. Les lamas bouddhistes qui ont présidé à notre formation dans la gestion des émotions nous racontaient que même leur communauté n’était pas exempte de conflits, y compris pour des broutilles.

Que dire alors des relations de travail ou des relations de couple dans lequel la notion de rôle et la notion de pouvoir sont au premier plan ? Chacun des protagonistes d’un conflit est certain d’avoir raison et très souvent la faute est rejetée sur l’autre d’emblée, sans retour sur soi ni examen de conscience.

Faut-il pour autant céder face à la plainte ou à l’autorité pour avoir la paix ? Le fait de s’assurer ainsi une forme de tranquillité s’avère de plus en plus précaire, au fur et à mesure que l’un gagne du pouvoir sur l’autre ou établit un pouvoir qui ne tient pas compte des différences de perception et de réalisation ainsi que des besoins de chacun au sein d’un espace déterminé. Cette situation d’abus engendre des blessures émotionnelles considérables qui ne sont pas forcément mises en lumière.

Ces blessures émotionnelles, si elles ne sont pas conscientisées, considérées et réparées, peuvent mener un jour où l’autre une explosion de rage et de violence. Elles peuvent entraîner un enchaînement de fuites en avant, au travers de compensations addictives, de falsification et d’occultation de la vérité, voire même de malveillance larvée.

C’est pourquoi il s’avère primordial d’accepter, de prime abord, toute situation de conflit comme révélatrice d’une réalité qu’on ne peut nier, ni occulter, ni passer sous silence. Aussi désagréable soit elle, cette situation à beaucoup à nous apprendre sur nous. Elle peut même se révéler salvatrice si nous acceptons de sortir des rôles que nous acceptons inconsciemment de porter ou de faire porter à d’autres.

CONDITIONNEMENTS ET CROYANCES

Notre esprit de veille, c’est à dire notre esprit ordinaire qui sert à gérer notre vie de tous les jours, fonctionne de trois manières distinctes dans la perception de notre réalité : l’attraction, la répulsion ou l’indifférence.

Et c’est à partir de ce fonctionnement de l’esprit que nous construisons des représentations mentales de ce que nous sommes et de ce qui nous entoure en nous attachant à ce qui dans l’immédiat est source de valorisation et de plaisir, en repoussant ou en détruisant ce qui crée de la gêne, de la peur et de l’insatisfaction ou encore, en dédaignant ce qui ne peut de suite nous concerner directement ou servir nos diverses ambitions.

Ces représentations mentales, acquises durant l’enfance, agissent de manière automatique et créent des conditionnements, sans que nous pensions à les remettre en question, car elles sont issues du contexte familial, culturel et historique dans lequel nous avons grandi. Pour ne citer que quelques uns des conditionnements qui peuvent éclairer une situation de conflit :

– Considération de la place de la femme et de celle de l’homme au sein du couple comme au sein de la société comme allant de soi, faisant partie d’un ordre naturel, etc…

– Considération des sentiments ou d’une relation comme immuables, entraînant une non acceptation des signes de changement.

– Sensibilité extrême à l’image que l’on veut donner de soi, de son couple, de ses enfants, de sa famille, de son clan, (le fameux « qu’en dira-t-on ? ») au détriment de la réalité, de ses besoins, des besoins d’autrui.

– Certitude d’avoir la justice divine, la justice des hommes ou l’opinion publique de son côté. Certitude du “ bien-fondé “ d’ agir, y compris de manière outrancière ou destructrice.

– Respect à la lettre d’une morale établie, de règles de fonctionnement, de considérations idéologiques, permettant de mettre en place de manière plus ou moins organisée une forme de dépréciation, d’exploitation, de répression ou d’anéantissement.

– Croyance en un intérêt suprême (la cohésion de la famille, l’honneur de la famille, les intérêts d’un groupe, la sécurité d’un état) interdisant toute remise en question des actes perpétués, toute divulgation de secrets.

– Fidélité à des injonctions telles que « toutes pareilles ! », « tous pareils ! », « s’engager c’est perdre sa liberté », « s’excuser c’est montrer sa faiblesse », « la fin justifie les moyens », « s’abstenir de dire n’est point mentir », ou encore « en cas de conflit, il vaut mieux tirer le premier » , « un bon indien est un indien mort », etc…

– Solidarité de caste envers ceux de notre rang liée au milieu social où nous avons grandi et évolué accompagné d’un sentiment de supériorité ou d’infériorité selon l’angle duquel on se place.

– Rébellion envers toute autorité, aussi justifiée soit-elle, ou, à l’inverse, soumission aveugle envers tout ce qui peut représenter une autorité ou une sécurité.

– Certitude d’un Dieu exclusif qui ne serait pas le même pour tous .

– Certitude d’un destin de peuple exemplaire devant le placer au dessus des autres.

– Considérations spécistes et égocentriques plaçant l’Homme au centre de l’Univers et certitude d’un droit exclusif de jouissance des biens naturels au dépend des autres règnes (animal, végétal et minéral) .

Toutes sortes de représentations mentales nous mènent par le bout du nez. Elles semblent tellement ancrées en nous que ce sont forcément des preuves de réalité et donc de notre bon droit à agir ou à laisser agir de telle ou telle manière y compris si cette action s’avère destructrice à court et moyen terme.

Fort heureusement, il arrive que la vie soit plus forte que toutes ces murailles de croyances et de certitudes et qu’elle nous fasse chanceler, voire chuter, sur notre chemin d’évolution. Cela arrive la plupart du temps à travers une crise ou une situation de conflit qui ne nous laissera pas indemnes.

Pourquoi ? Parce que cette situation de conflit va réveiller tout ce qui sommeillait en nous depuis l’enfance. Nos doutes, incertitudes, peurs et zones d’insécurité, nos accès de colère refoulés, nos tristesses enfouies, nos blessures émotionnelles non visitées, nos besoins enterrés et nos rêves oubliés.

Ce conflit va nous faire redevenir tout petits tandis qu’il va accentuer notre vulnérabilité émotionnelle et notre prise aux émotions. Et le plus terrible c’est que plus nous voulons maîtriser la situation plus elle nous échappe et plus nous nous sentons impuissants à contacter cet autre, ce belligérant réfugié dans son bastion tout autant que nous.

RESPONSABILITÉ PERSONNELLE ET RESPONSABILITÉ DE GROUPE

C’est pourquoi un examen de conscience et une prise de distance vis-à-vis de nos croyances s’avère nécessaire pour ne pas tomber dans la destruction ou l’autodestruction, dans la complaisance ou dans la culpabilité.

Cet examen nécessite de mettre tous les aspects du conflit sur la table et de n’en ignorer aucun, y compris si cela peut être dérangeant pour les participants. Cela comprend la considération de nos besoins, des besoins de l’autre, de nos aspirations, des aspirations de l’autre, de ce qui est faisable comme compromis, des limites qui vont très vite surgir, de ce qui n’est pas acceptable ou ne l’est plus, de ce qui est encore acceptable. Et bien-sûr, de la manière dont on peut réparer les abus, les blessures et les destructions causées, de part et d’autre de la ligne de démarcation. Réparer à l’intérieur de soi mais aussi réparer chez l’autre afin de contribuer à un retour à l’équilibre et à la paix.

Toute tentative de manipulation durant la mise en évidence de ce qui fait mal serait dangereuse et ne ferait que créer des frustrations génératrices d’autres conflits, entraînant un fossé d’incompréhension plus profond encore et conduisant inéluctablement à la rupture ou à la violence.

C’est pourquoi le retour à soi en conscience, à l’aide de méthodes de développement personnel telles que la sophrologie, la psychanalyse ou la méditation de pleine conscience, le fait de s’accueillir et de se connaître dans ses contradictions, ses faiblesses et ses qualités, le fait d’assumer avec franchise ses responsabilités sans tomber dans l’autodépréciation ni la dépréciation de l’autre, s’avèrent être, certes, un exercice complexe mais nécessaire avant de s’attaquer à la résolution d’un conflit.

Lorsque nous sommes sur la défensive, nous pensons rarement à mettre en œuvre nos capacités de compassion et de bienveillance, plus occupés par une forme d’auto apitoiement ou par le fait de charger notre adversaire. Et pourtant ces qualités inhérentes à tout être humain (s’il n’est pas un dangereux déséquilibré mental) sont sources d’équilibre et de paix.

Comment les diriger ? Envers nous-mêmes tout d’abord pour faire cesser tout sentiment de culpabilité qui fausse l’énergie de la relation tout autant que l’examen des responsabilités. Cette bienveillance à s’accepter dans cette humanité vulnérable et faillible nous amène à comprendre ce qui peut se jouer de manière inconsciente en nous. A titre d’exemple on peut citer :

  1. Le désir de réussite à tout prix
  2. Le désir de jouissance absolue
  3. Le désir de toute puissance
  4. Le désir de perfection
  5. Le désir de reconnaissance
  6. Le désir de maîtrise de la situation
  7. Le désir de revanche
  8. Le désir d’expier, de s’oublier ou de se subordonner
  9. Le désir d’oublier
  10. La peur de perdre la face
  11. La peur de perdre son emprise
  12. La peur de perdre ses prérogatives
  13. La peur de perdre l’autre
  14. La peur du manque
  15. La peur d’être rejeté
  16. La peur de perdre sa liberté
  17. La peur d’être diminué
  18. La peur d’être manipulé
  19. La peur d’être trahi
  20. La peur d’être face à soi-même

Ces désirs et ces peurs non conscientisés peuvent nous amener en premier lieu à une forme de déni, voire de sidération et de soumission permettant momentanément un évitement du conflit, notamment face à une personne incarnant à nos yeux une figure d’autorité. Cet évitement du conflit peut aussi se manifester par un désinvestissement immédiat et par une fuite sans explications. Dans le cas contraire, ces désirs et ces peurs peuvent déclencher chez nous un sentiment d’agression et d’atteinte à notre sécurité, conduisant à une agressivité mal contenue ou mal dirigée. Dans un cas comme dans l’autre le conflit n’est pas géré.

Par contre, le fait de comprendre la façon dont nous sommes enclins à fonctionner nous amène progressivement à rectifier notre comportement et notre manière de penser.

Après nous être mis au clair avec nous-mêmes, nous serons à même d’appliquer plus facilement cette compassion et cette bienveillance envers autrui, en sachant qu’il est probablement animé par des sentiments et des influences similaires. En effet, il n’est pas rare de remarquer combien l’autre se présente en miroir de ce que nous n’acceptons pas en nous.

INTELLIGENCE EMOTIONNELLE ET INTELLIGENCE COLLECTIVE DANS LE CADRE DE RESOLUTION DE CONFLITS

L’intelligence émotionnelle et l’intelligence collective peuvent être mises à contribution lors de situations de crises, capables d’engendrer des conflits à l’échelle mondiale. Nous ne pouvons plus nous permettre d’agir en persécuteurs ou en indifférents pour protéger nos propres intérêts, non plus en victimes expiatoires prêtes à tendre le cou pour se le faire briser. Il est urgent de changer de paradigme.

D’autres enjeux nous interpellent avec urgence.

Notre monde est en perpétuelle transformation, de plus en plus complexe. Et ce qui faisait notre gloire ou notre bien-être en tant qu’espèce, tend à s’inverser, du fait des innombrables abus que nous générons par notre manière de consommer et de puiser dans des réserves que nous savons désormais épuisables ou quasi épuisées.

Les guerres ne sont rien à côté de ce qui nous attend si tous les insectes pollinisateurs viennent à disparaître entraînant un déficit de nourriture à court terme, si la déforestation criminelle empêche les arbres de jouer leur rôle de régulateurs et aggrave le réchauffement climatique , si l’eau pure ou l’air pur deviennent rares pour nos enfants parce que de plus en plus pollués, si nous perdons notre humanité en nous soumettant au joug de machines et de systèmes réduisant l’humain et la nature à de simples objets de production et de profit.

L’être humain est appelé à évoluer et à transformer son activité sur Terre sous peine de péricliter et de périr. L’espèce humaine est appelée à s’unir non pas contre mais avec et dans le respect des autres règnes qui l’ont précédée et qui demeurent tout autant qu’elle légitimes à vivre en abondance, en liberté et en sécurité. C’est notre grandeur et notre enjeu des prochaines années.

© Myriam PAILLER – Tel : 06 14 49 60 44  // Sophrologue, relaxologue ,coach.

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